Van Elder & Associates
Avocats, Attorneys at law, Advocaten

Orateur au séminaire CBC Banque & Assurances du 7 décembre 2010: « Transparence et régularisations fiscales des patrimoines familiaux : quelles perspectives pour demain ? »

Régularisations fiscales des patrimoines familiaux

PREAMBULE

Contexte

Avoirs mobiliers, capitaux et structures à l’étranger au cœur de l’actualité fiscale belge, européenne et internationale.

G20, commission parlementaire sur les fraudes fiscales, listes de contribuables acquises dans des conditions douteuses (UBS, HSBC)….

Avoirs à l’étranger : coupables de tous les maux, responsables de la crise financière, responsables du déficit budgétaire……

Lutte contre la fraude fiscale menée par l’administration s’est durcie, confusion régulière entre planification fiscale légale et fraude fiscale.

Filigrane et hypothèse

Situation de X et de la transparence de son patrimoine au regard des informations et des moyens dont dispose

l’administration fiscale.

Patrimoine de X : capitaux et revenus à l’étranger ou de source étrangère possédés directement ou indirectement.

PLAN

1. Quelles sont les obligations de X ?

2. Les informations dont dispose le fisc et les limites de leur utilisation.

3. Les moyens de preuve à la disposition de l’administration.

4. Les procédures de régularisation.

5. Conclusion

I. LES OBLIGATIONS DES CONTRIBUABLES

1. Imposition.

Taxation des revenus et des capitaux (DS) mondiaux.

Taxation sur les revenus d’origine belge et étrangère : les dividendes de sociétés étrangères, les revenus de capitaux étrangers sont imposables à l’étranger mais aussi en Belgique.

Atténuation de la 2x imposition = conventions préventives de double imposition et des mesures internes.

Rem : régime indépendant de la nationalité du contribuable.

Idem en droits de succession :

Le portefeuille-titres suisse, l’entreprise africaine, les actions de la société Singapourienne = imposables en droits de succession…

Conventions préventives de 2x imposition : très rares (France et Suède).

2. Obligations de déclaration.

Obligation de déclaration des revenus mobiliers étrangers (sauf en

cas de précompte libératoire, dans ce cas, c’est facultatif).

Obligation de déclaration des comptes étrangers et du pays d’ouverture:

* comptes de toute nature du contribuable, son conjoint, ainsi

que des enfants à sa charge,

* à un quelconque moment dans le courant de la période imposable,

* auprès d'un établissement de banque, de change, de crédit

ou d'épargne.

Cass 8 mai 2009 : Si on n’a pas de compte à l’étranger, rien à mentionner.

II.CANAUX D’INFORMATIONS DE

 L’ADMINISTRATION

MODES SPECIFIQUES D’INFORMATIONS PORTEES A

 LA CONNAISSANCE DE L’ADMINISTRATION

 SOURCES D’INFORMATION

2.1 Les principales sources internationales :

*Conventions prévoyant l’échange d’informations sur demande.

Large réseau de conventions internationales signées avec

d’autres pays en matière d’impôts directs.

Ces conventions contiennent un article traitant de l’échange d’informations entre les administrations fiscales de chaque pays :

Une obligation d’échanger« les renseignements vraisemblablement pertinents » (article 26 OCDE).

Pas de demande générale sur tous les contribuables.

L’échange ne peut être préalable à une demande

d’information.

La modification récente de la convention avec le Luxembourg prévoit une extension de la convention à tous

les impôts indirects et même aux non résidents.

*Conventions prévoyant l’échange d’informations sans demande 

Echange spontané ou automatique.

1. La France et la Belgique échangent de manière automatique les renseignements tirés des actes présentés à l’enregistrement :

Achat, donation, partage, apport en sociétés….

2. La directive européenne épargne.

Principe : un système automatique d’échange d’informations sur les intérêts payés aux non-résidents en faveur de l’état de résidence de ces derniers.

Ex : un résident belge perçoit des intérêts en France, inf

transmises au fisc belge.

Point d’attention: absence de déclaration de compte parfois en contradiction avec les informations communiquées par les administrations étrangères au fisc belge.

Exception : Luxembourg, Suisse, Autriche : pas d’infos communiquées en contrepartie du PER payé à l’état de résidence du bénéficiaire des intérêts = prix de l’anonymat.

Augmentation du PER à 35% à compter du 1er juillet 2011. La Belgique a renoncé au système du PER :

La Belgique communique aux états et territoires auxquels s’applique la directive les informations sur les intérêts versés en Belgique en 2010 à des non résidents.

Extension de la directive est envisagée :

- aux trusts, stifstungs, fondations du Lichtenstein, des îles vierges, suisses, …. l’objectif est de viser le bénéficiaire final de ces intérêts.

- également aux produits structurés au capital garanti, aux assurances-vie branche 21 et 23 sans couverture décès.

3. La directive relative à l’assistance mutuelle entre la Belgique et les états membres de l’UE ou la Belgique : 338 CIR.

Communication sans demande préalable pour un grand nombre d’informations

2.2 Les principales sources nationales :

* Obligation de communication au fisc (article 315 CIR)

Obligation de communication sur place des livres et des données informatiques nécessaires à la détermination des montants imposables.

* Demande de renseignements et obligation de collaboration (article 316 CIR).

Droit du fisc de demander des renseignements écrits et verbaux

aux contribuables.

Droit de se taire dans certains cas !

• Echange d’informations entre toutes les administrations

(articles 327 à 336CIR) : évolution considérable en 5 ans.

 Principe :

Communication d’informations et de pièces (actes, PV, registres….) de toutes les administrations du pays (greffe, parquet, régions, entités locales, organismes publics…..) vers l’administration fiscale sur demande.

 Obligation de collaboration entre les administrations du SPF finance :

Toutes les administrations qui ressortissent du Service public fédéral Finances ( impôts – trésorerie – documentation patrimoniale) sont tenues de mettre à disposition de tous les agents dudit Service public régulièrement chargés de l’établissement ou du recouvrement, tous les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs en leur possession, qui contribuent à la poursuite de la mission de ces agents en vue de l’établissement ou du recouvrement de n’importe quel impôt établi par l’Etat.

La douane, le cadastre, l’enregistrement communiquent aux contributions et réciproquement….. : receveurs, contrôleurs, inspecteurs…

Ex : insuffisance de prix relevée par le receveur de l’enregistrement entraîne communication au receveur IPP/ISOC.

III. QUELLES LIMITES A L’INFORMATION DU FISC

* Les conventions bilatérales avec la Belgique et la directive sur l’assistance mutuelle.

Outre l’interdiction du « fishing », les conventions belges posent différentes limites…. mais plus le secret bancaire.

Le secret bancaire ne permet plus de s’opposer à une demande

de l’administration fiscale belge.

L’adoption de ce paragraphe par la Belgique lui a permis de sortir de la liste grise.

*La vie privée (droit constitutionnel et droit de l’homme).

Les documents privés sans rapport avec des placements de

fonds ou de revenus ne peuvent être réclamés.

Ex :

- pas les extraits de banque purement privés.

- quid des extraits de comptes à l’étranger (même ouverts en vue de dépenses ménagères) : vu qu’ils produisent des revenus taxables, ils doivent être produits.

Exception : en cas de présomption de fraude importante.

*Le secret bancaire (devoir de discrétion) en matière fiscale. Inexistant en TVA, DE, SUCC = informations obligatoires et automatiques à l’administration fiscale

En matière d’impôts directs (IPP, ISOC), il existe mais :

- en cas de contrôle : possibilité de lever le secret bancaire en cas d’éléments concrets faisant présumer une fraude fiscale (318 CIR) ;

- inexistant au stade de la réclamation et du recouvrement. Pas opposable au niveau international.

Observation : la fin anticipée des titres au porteur.

Loi de janvier 2010 : obligation de déclaration des participat de 25% dans des sociétés non cotées ayant émis des actio porteur.

IV. MODES DE PREUVE ET POUVOIRS EXHORBITANTS DE DROIT COMMUN DONT BENEFICIE L’ADMINISTRATION FISCALE.

 Principe : charge de la preuve à l’administration.

 Sources de preuve (cfr supra) :

1° L’enregistrement des actes :

Les exploits d’huissier, les arrêts et jugements sont obligatoirement enregistrables : litiges en matière familiale ou successorale = source d’information importante de l’administration fiscale.

2° L’article 108 CS :

La demande des droits de succession et les amendes (pour omission et défaut de déclaration) sont établies par tout acte de propriété passé par le défunt à son profit ou à sa requête.

Ex : un bordereau de vente de titres, un acte de vente d’immeuble, un extrait de compte créditeur permet de présumer que le prix fait toujours partie de la succession

3° En droits de succession :

*obligation spontanée de communiquer les valeurs du défunt (actions, comptes, sommes, assurances) ;

* blocage des avoirs ;

* ouverture du coffre en présence de l’administration (en principe). 4°Taxation indiciaire (IPP):

Imposition sur base de signes ou indices d’où il résulte une aisance supérieure à celles qu’attestent les revenus déclarés :

Ex:

- les titres ou valeurs découverts à l’occasion d’un contrôle douanier.

- les investissements faits par X avec le capital dont il a hérité.

IV. MODES DE PREUVE ET POUVOIRS EXHORBITANTS

D E DROIT COMMUN DONT BENEFICIE L’ADMINISTRATION

FISCALE.

5° Fictions: présomptions d’actifs successoraux (article 7 à 11CS).

Les donations non assujetties au DE passées par le défunt dans les trois ans.

Les sommes obtenues en vertu d’une SPA (ex : trust assimilé à une SPA = imposition du bénéficiaire au décès du settlor selon décision étonnante du 20/12/2004/ idem pour les fondations).

V. LES REGULARISATIONS

*5.1 Principe.

Possibilité offerte aux contribuables de rentrer volontairement une déclaration (appelée « déclaration-régularisation ») pour les revenus qu’ils ont omis de déclarer.

Possibilité unique mais pas incompatible avec la DLU. Coût:

- Payement de l’impôt éludé.

- Sanctions limitées à une amende de 10 points à l’exclusion de toute autre (accroissements, intérêts de retard, autres pénalités).

 

Processus volontaire quant aux revenus régularisés, aux

capitaux, aux années…..

Droits de succession : dix ans et cinq mois.

* 5.2 Exclusions.

1° Pour les revenus provenant d’opérations de blanchiment ou

d’un délit sous-jacent (fraude fiscale grave et organisée) ;

2° Si avant l’introduction de la DR, le déclarant a été informé

d’actes d’investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d’inspection sociale belge ;

3° Si une DR a été introduite antérieurement.

* 5.3 Que régulariser ?

1° les revenus immobiliers, les revenus mobiliers, les revenus professionnels et les revenus divers.

Ex : loyers, dividendes, intérêts, bénéfices, plus-values sur immeubles……

2° la TVA.

3° les droits de succession.

- Une déclaration initiale est exigée par l’administration.

- Pas de passif admissible.

4° les droits d’enregistrement ? A priori oui.

Point d’attention: le service des décisions anticipées permet la régularisation de contrats qui déguisent des contrats de placement purs et simples.

* 5.4 Qui ?

1° Les personnes physiques.

Ex :

-Tous les indivisaires ou certains d’entre-eux.

-L’usufruitier et/ou le nu-propriétaire.

-Le défunt (via ses héritiers).

2° Les sociétés.

3° Les bénéficiaires économiques.

Les fonds détenus par l’intermédiaire de sociétés ou structures étrangères (BVI, sociétés des îles vierges, trusts, fondations……) ?

Position du SDA :

Application du principe de transparence fiscale et régularisation par le/les bénéficiaire(s) économique(s).

*5.5 Procédure.

Cellule spéciale auprès du service des décisions anticipées : point de contact régularisation.

a) « Prefiling » possible pour les dossiers complexes.

b) Procédure sur demande contenant :

- une motivation (indication des dispositions fiscales visées, JP,

Doctrine, commentaires administratifs…..) ;

- une description des opérations génératrices des revenus ;

-une proposition de prélèvements ;

-certaines annexes ;

-une déclaration.

c) Proposition de fixation de l’impôt de régularisation émanant du SDA.

d) En cas d’accord, l’impôt de régularisation est payable dans les

15 jours.

e) Délivrance de l’attestation de régularisation.

5.6 Observations.

* La déclaration, le paiement subséquent du prélèvement dû et l’attestation ne peuvent être utilisés pour des enquêtes, contrôles…

*L’anonymat de la procédure est garanti pour les revenus mobiliers. Pour les revenus professionnels et TVA : communication avec le service local.

* Les membres du point de contact sont tenus au secret

professionnel.

* Choix laissé au contribuable des revenus et des années/ pas d’info nécessaire sur l’origine des fonds.

Effets : immunité fiscale et pénale (exclusion de poursuite).

*5.7 Procédure parallèle.

Procédure parallèle : déclaration complémentaire possible avec application des règles normales d’imposition.

*5.8 Cas pratiques

Cas n°1

X est marié avec Y sous le régime de la communauté. Communauté comprend un PT au Luxembourg composé d’actions et obligations :

Valeur : 500.000 euros

Revenus annuels : 10.000 euros d’intérêts et 15.000 euros de dividendes ordinaires.

Décès de Y: dévolution succession X : US

et son fils Z : NP .

Que régulariser ?

1° Droits de succession :

deux hypothèses.

Décès en 1999 : droits de succession prescrits.

Décès en 2000 : droits de succession dus par X et Z sur ½ UF (cté) et 1/2 NP (cté).

Impôt de régularisation : chaque taux progressif (en ligne directe) majoré de 10 points (soit max 40%).

2° Revenus mobiliers :

Intérêts et dividendes

Période : 7 ans, de 2003 à 2009 (2010 à déclarer dans déclaration IPP)

Impôts de régularisation :

Intérêts : 10.000 euros x 25% (x add locaux 6%) = 2.650 euros x 7 = 18.550 euros

Dividendes : 15.000 euros x 35% (x add locaux 6%) = 5.565 euros

x 7 = 38.955 euros

Total : 57.505 euros soit 8,7% du capital de base.

Cas n°2

De 2003 à 2006 : avoirs en Suisse par une société des îles vierges détenue par un tiers mais dont X et Y sont les bénéficiaires.

Fin 2006, liquidation de la société et comptes au nom de X et Y.

Origine : revenus professionnels déclarés.

Revenus : plus-values et dividendes (ordinaires et VVPR).

Régularisation possible et pour quelles périodes ?

- Ok pour période de 2003 à 2006 : par X et Y moyennant déclaration de bénéficiaire économique. Le SDA applique le principe de la transparence fiscale.

- 2006 à 2009 : régularisation par X et son époux.

Plus-values non imposables (en principe)

Dividendes = régularisables cfr supra (dividendes VVPR

régularisables à 25%).

CONCLUSION

Pression fiscale internationale très forte sur les comptes et avoirs étrangers :

- Suisse et Lux ont renoncé au secret bancaire dans leur convention ;

- Multiplication et adaptation de conventions

internationales et de collaboration entre états.

Projet d’extension de la directive épargne.

En droit interne, suppression des titres au porteur, création de banques de données (PATRIS…..), augmentation des pouvoirs et moyens de l’administration fiscale.

Contexte économique et attitude actuels de l’administration vont dans le sens d’un durcissement de la lutte contre la fraude fiscale.

Incertitude sur l’avenir de la loi de régularisation (loi ne fait pas l’unanimité dans les rangs politiques).

La régularisation : une réelle opportunité :

1° Limitation des conséquences fiscales.

Pour rappel = en IPP jusqu’à 200%, en DS amende égale au 2x

des droits éludés, outre les intérêts de retard.

Intransigeance des tribunaux dans l’appréciation de la fraude compte tenu de l’existence de la loi de régularisation.

2° DR permet une utilisation des fonds et des investissements

sans craindre une taxation indiciaire.

3° Immunité pénale.

Point d’attention : JP récente = investissement au moyen de revenus « éludés » est constitutif d’une infraction de blanchiment (non régularisable).

4° Pour les générations futures.

La régularisation permet une planification successorale.