Van Elder & Associates
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Orateur au Cercle du lac du 16 mars 2010 : « Les conséquences fiscales de la détention directe et indirecte de fonds dans les paradis fiscaux. »

Les conséquences fiscales de la détention directe et indirecte de valeurs mobilières dans les paradis fiscaux et leur rapatriement/utilisation ?

Les avoirs mobiliers, les capitaux, les structures à l’étranger et dans des paradis fiscaux: au cœur de l’actualité fiscale belge, européenne et internationale.

- Actualité marquée par: le dernier G20, les conclusions de la commission parlementaire sur les fraudes fiscales, la communication par UBS des clients américains, l’affaire KB Lux, l’achat par l’Allemagne des listes de titulaires de comptes en Suisse….

- Les avoirs à l’étranger sont coupables de tous les maux : responsables de la crise financière, responsables du déficit budgétaire.

-Les structures étrangères = stigmates de l’évasion fiscale et d’infraction de blanchiment d’argent à tout le moins…

- Les notions se confondent et s’entremêlent: évasion fiscale et évitement licite de l’impôt, liste noire et liste grise, secret bancaire ….

- Nous tenterons de faire le point sur la situation fiscale des avoirs mobiliers détenus – directement ou indirectement - par des résidents PP à l’étranger à l’IPP et en droits de succession.

1. Quelles sont les obligations des résidents ?

2. Les informations portées à la connaissance de l’administration fiscale et les limites à cette communication.

3. Quelques moyens de preuve ou de taxation dont dispose l’administration.

4. La procédure de régularisation.

5. L’optimisation fiscale de la transmission des fonds régularisés.

6. Conclusion.

LES OBLIGATIONS DES CONTRIBUABLES

1. Imposition

- Une première réalité : taxation sur ses revenus mondiaux à l’IPP. Idem en droits de succession: imposition du patrimoine mondial du défunt.

Beaucoup de pays imposent les revenus et les biens sur base de leur situation/source =double imposition.

Atténuation par: des conventions préventives de double imposition et des mesures internes. Limitées en droits de succession (France et Suède) = source de difficulté en matière de planification internationale.

- Une notion clef : celle de résident fiscal belge ou d’habitant du royaume.

Qualité procède d’une situation de pure fait: résulte de preuve d’éléments tels que : consommation d’énergies, situation des comptes bancaires, école des enfants, domicile réel, siège de sa fortune….= avec quel pays le rattachement est le plus fort.

Points d’attention:

- assujettissement immédiat dès lors que l’on a en Belgique sa

résidence fiscale.

- peut être sujet à règles de rattrapage dans le pays d’origine (l’Allemagne, la France….) par rapport à certains revenus ou certains transferts de patrimoines.

2. Obligations corrélatives à la qualité de résident ?

-Obligation de déclaration des revenus étrangers mobiliers (cfr articles 171 et 313 CIR) non précomptés.

-Obligation de déclaration des comptes étrangers et désignation du pays d’ouverture:

*comptes de toute nature du contribuable, son conjoint, ainsi que les enfants à charge;

*à un quelconque moment dans le courant de la période imposable;

* auprès d'un établissement de banque, de change, de crédit ou d'épargne.

Cass 8 mai 2009 : Si on n’a pas de compte à l’étranger, aucune mention nécessaire. Pas de violation d’une obligation légale.

LES SOURCES D’INFORMATION

A LA DISPOSITION DE L’ADMINISTRATION

A. SOURCES D’INFORMATION

2.1 Les principales sources internationales :

* Les conventions sur l’échange d’informations.

L’article 26 convention modèle OCDE: article 26 traitant de

l’échange d’informations entre les administrations:

Cet article prévoit généralement une obligation d’échanger « les renseignements vraisemblablement pertinents » (article 26 OCDE).

Deux implications :

• L’administration demanderesse doit démontrer la pertinence des informations demandées (infos précises et relevantes ; indications concrètes de fraude fiscale)

• l’état demandeur doit démontrer que les moyens qu’il a mis en œuvre n’ont pas permis d’obtenir les informations demandées :

Pas de demande générale sur tous les contribuables. L’échange d’infos ne peut être préalable à une demande de renseignement.

- Echange sur demande mais aussi spontané ou automatique : ex la convention du 12/8/1843 entre la France et la Belgique échange de manière automatique les renseignements tirés des actes présentés à l’enregistrement.

*La directive épargne (338 Bis CIR)

Principe : un système automatique d’échange d’informations sur les revenus d’intérêts payés à un non-résident en faveur de l’état de résidence de ce dernier.

Ex : un résident allemand perçoit des intérêts en Italie, infos transmises par l’Italie à DE.

Exceptions : Belgique, Luxembourg, Suisse, Autriche : pas d’infos communiquées en contrepartie PER payé à l’état de résidence du bénéficiaire.

Belgique a renoncé au régime transitoire du prélèvement pour l’état de résidence (qui passera de 20 à 35% au 1er juillet 2011): la Belgique communiquera aux états et territoires auxquels s’appliquent la directive les informations sur les intérêts versés en Belgique en 2010 à des non résidents.

Les sources d’information de l’administration.

Projet d’extension de directive :

-aux trusts, stifstung et fondations (Lichtenstein, des îles vierges, suisse…), l’objectif est de viser le bénéficiaire final de ces intérêts;

- aux produits structurés à capital garanti, aux assurances vie branche 21 et 23 sans couverture décès.

* la directive relative à l’assistance mutuelle entre la Belgique et les états membres de l’UE : 338 CIR.

2.2 Les principales sources nationales :

* Obligation de communication (article 315 CIR)

Obligation de communication sur place des livres et des données informatiques nécessaires à la détermination des montants imposables.

Sont visés: les docs comptables, les contrats mais aussi la correspondance….à tout ce qui permet de déterminer des revenus imposables.

* Demande de renseignements et obligation de collaboration (article 316 CIR).

Droit de demander des renseignements écrits et verbaux au contribuable.

* Echange d’informations entre les administrations (consacré par nouvel article 335 CIR).

La douane, le cadastre, l’enregistrement…. communiquent aux contributions (receveurs, contrôleurs, inspecteurs…) tous les renseignements adéquats, pertinents et non excessifs en leur possession.

B. QUELLES LIMITES A LA DEMANDE D’INFO

* Les conventions bilatérales avec la Belgique et la directive sur l’assistance mutuelle

1 L’interdiction du « fishing »

2 L’interdiction d’obliger un état de prendre des mesures ou de fournir des infos qui dérogent à la législation à la pratique administrative des deux états signataires ;

3 L’interdiction de transmettre des renseignements qui révéleraient un secret commercial, industriel, professionnel ou un procédé commercial…., ou dont la communication serait contraire à l’ordre public.

Cette dernière limite a fait l’objet d’exceptions (modification de la convention modèle en 2005) : un état ne peut refuser les informations :

- au motif qu’elles ne présentent pas d’intérêt pour lui ;

- au motif que ces infos sont détenues par une banque, un établissement financier, un trust, une fondation, un mandataire ou 15une personne agissant en tant qu’agent ou fiduciaire ou portent sur

Le secret bancaire et professionnel des personnes visées ne permet plus de faire obstacle aux infos demandées par un état. Modification étend le champ d’application de la convention:

-les résidents des deux états mais également les non résidents (comptes de sociétés étrangères);

- infos sur les montants, les opérations, les bénéficiaires, l’identité des donneurs d’ordre, les extraits bancaires.

Interprétation restrictive : pas les autres personnes tenues au secret professionnel : avocats, conseils fiscaux, notaires, experts comptables….

L’adoption de ce paragraphe par la Belgique lui a permis de sortir de la liste grise.

Pas dans toutes les conventions signées par la BEL.

*La vie privée : droit constitutionnel et droit de l’homme.

Les documents privés sans rapport avec des placements de fonds ou de revenus ne peuvent être réclamés.

Idem: les extraits de banque purement privés.

Quid des extraits de comptes à l’étranger (même ouverts en vue de dépenses ménagères) : vu qu’ils produisent des revenus taxables, ils doivent être produits en cas de demande.

D’autres exceptions prévues par la commission DH : ex en cas de présomption de fraude importante.

*Le secret bancaire en droit fiscal belge.

Il n’existe pas en DS.

En matière d’impôts directs :

- En cas de contrôle : faculté de lever le secret bancaire en cas d’éléments concrets faisant présumer une fraude fiscale (318 CIR) ;

- Il est inexistant au stade de la réclamation et du recouvrement.

* Quel est l’impact du mode de production des informations sur la valeur de ces informations ?

Peut-il être fait usage en droit fiscal d’une preuve obtenue en violation d’une règle de procédure pénale, d’une atteinte à la vie privée, en violation des droits de la défense…. ?

Principe: non

Cassation ses dernières années (dont le 10 mars 2008) est revenue sur sa JP en précisant les conditions auxquelles une preuve recueillie illégalement peut être rejetée:

• en cas de contrariété à un procès équitable ;

• lorsque la fiabilité de la preuve est entachée ;

• en cas de violation de conditions de formes prescrites à peine de

nullité.

La JP tient compte de certaines circonstances dont la gravité de l’infraction, le comportement de l’autorité ayant la charge de la preuve…..

Quid des dénonciations illégales ou irrégulières ? La JP récente semble admettre qu’en droit fiscal, ces éléments puissent être utilisés à titre de présomption de l’homme pour fonder une taxation complémentaire.

Dans l’affaire KB Lux, les tribunaux contestèrent moins le procédé d’obtention des preuves que leur caractère probant.

QUELQUES EXEMPLES DE POUVOIRS EXHORBITANTS DE DROIT COMMUN DONT BENEFICIE L’ADMINISTRATION FISCALE EN MATIERE DE PREUVE OU D’IMPOSITION

1° Les litiges en matière successorale sont porteurs d’infos:

Pour rappel les exploits d’huissier, les arrêts et jugements sont obligatoirement enregistrables ;

2° L’article 108 CS institue une présomption d’existence d’actifs

imposables:

La demande des droits de succession et les amendes (pour omission et défaut de déclaration) sont établies par tout acte de propriété passé par le défunt à son profit ou à sa requête.

Pour les valeurs mobilières (au sens de 2279CC) sont concernés

les actes remontant à moins de trois ans.

Ex : bordereau d’achat de titres, un pacte adjoint d’un don manuel, un acte de donation à l’étranger, acte de nantissement, informations données par un établissement bancaire quant à l’encaissement de coupon et à l’existence d’un dossier titres….

En droits de succession :

- obligation des détenteurs de titres, sommes ou valeurs dépendant d’une succession de communiquer avant restitution la liste fiscale des avoirs (art 97 CS);

- ouverture du coffre en présence de l’administration (en principe).

3° Taxation indiciaire :

Droit d’imposer sur base de signes ou indices d’où il résulte une

aisance supérieure à celles qu’attestent les revenus déclarés :

Ex tirés de JP: les titres ou le liquide trouvés sur un contribuable qui passent la « frontière ».

4° Fictions: présomptions d’actifs successoraux (article 7 à 11CS).

Les donations non assujetties au DE passées par le défunt dans les trois ans.

Les sommes obtenues en vertu d’une SPA (ex : trust assimilé à une SPA = imposition du bénéficiaire au décès du settlor selon décision très critiquable du 20/12/2004/ idem pour les fondations).

PROCEDURE DE REGULARISATION

* Principe et caractéristiques

Possibilité offerte aux contribuables de rentrer une déclaration (appelée « déclaration-régularisation ») pour les revenus qu’ils ont omis de déclarer.

Possibilité unique (mais pas incompatible avec la DLU)

Payement de l’impôt + une amende : pas d’accroissements, d’autres amendes, d’intérêts de retard.

Seulement une majoration de 10 points + additionnels locaux + ccc

Processus volontaire quant aux revenus régularisés, aux capitaux,

aux années….. Points d’attention :

- Année 2003 n’est pas prescrite.

- Droits de succession : dix ans et cinq mois.

Exclusions :

-Pour les revenus provenant d’opérations de blanchiment ou d’un délit sous-jacent (fraude fiscale grave et organisée) ;

-Si avant l’introduction de la DR, le déclarant a été informé d’actes d’investigation spécifiques en cours par une administration fiscale belge, une institution de sécurité sociale ou un service d’inspection sociale belge : pas en cas d’investigation sans rapport avec les revenus ou capitaux « régularisables »

* Quels revenus ?

1° En matière d’impôts directs : les revenus immobiliers, les revenus

mobiliers, les revenus professionnels et les revenus divers. 2°La TVA.

3°Les droits de succession. Points d’attention:

- une déclaration initiale est exigée par l’administration.

- pas de passif admissible.

4°Les droits d’enregistrement ? A priori oui.

La question de la requalification de certains contrats d’assurances en contrat de placement ?

Question controversée objet d’une JP mitigée et d’une Doctrine divisée.

Qu’en penser ?

La loi sur les assurances terrestres définit le contrat d’assurance et l’article 97 définit le champ d’application du chapitre ayant trait aux contrats d’assurance sur la vie.

De ces textes deux enseignements :

- la prestation de l’assureur est liée à la survenance d’un événement.

- le caractère aléatoire du contrat découle de ce que cette prestation procède de la réalisation d’un événement incertain.

Ces caractéristiques juridiques (du droit commun) = indifférentes aux modalités prévues par le CIR (en ses articles 19 § 1er 3° b et 21 9°) fixant le régime d’imposition des contrats d’assurance-vie.

C’est le droit commun qui définit les éléments constitutifs d’un contrat d’assurance-vie (soit la loi sur le contrat des assurances terrestres: constance de JP Cassation).

Le Code civil en ses articles 1104 et 1964 définit le contrat aléatoire par référence à la circonstance que la chance de gain ou de perte pour chacune des parties est liée à un événement incertain.

Une complémentarité de ces dispositions avec celles qui précèdent ne peut être exclue (travaux parlementaires).

Aussi certaines prestations pourraient ne pas répondre aux qualifications de prestation d’assurance, d’assurance-vie, voire de contrat aléatoire :

- la liberté totale donnée au contribuable de récupérer à tout moment l’intégralité des avoirs investis (en ce compris les fruits)

- et réciproquement la considération que les prestations de l’assureur ne sont liées à aucun événement

En conséquence:

Une telle requalification en placements - si elle ne doit pas être généralisée - n’est pas à exclure.

Le SDA permet la régularisation de certains contrats d’assurance.

* Qui ?

Les PP : pas de limites quant aux revenus

Les PM : seulement les revenus professionnels et la TVA

Quid des fonds détenus par des contribuables belges détenus par l’intermédiaire de sociétés situées dans des paradis fiscaux ou tout simplement à l’étranger ?

Les armes de l’administration fiscale :

-la disposition anti-abus 344 § 2 CIR;

- et la simulation;

offrent la possibilité de considérer que le patrimoine des sociétés dotées de la PJ situées dans des paradis fiscaux appartiennent aux contribuables PP

Le SDA accepte d’appliquer la règle de la transparence fiscale, de considérer qu’ils sont la propriété du contribuable PP et de les régulariser moyennant une déclaration du contribuable:

- qu’il peut ad nutum et à première demande disposer des avoirs (revenus + capital placé);

- qu’il est le bénéficiaire exclusif de ces revenus ;

- que les sommes sont gérées pour son compte.

Rem: SDA a renoncé à appliquer le régime de liquidation fictive.

* Autres.

• L’anonymat de la procédure est garanti pour les revenus mobiliers.

• Pas de communication par le SDA des informations reçues

(déclaration, annexes,…) aux autres services de l’Administration :

- Tenus au secret professionnel;

- La DR ne peut être utilisée comme indice ou indication pour des enquêtes, des contrôles ou infractions fiscales.

OPTIMISATION SUCCESSORALE DES BIENS REGULARISES

Les revenus et capitaux régularisés peuvent faire l’objet d’une planification en Belgique et à l’étranger entre autres par donation.

* Principes d’imposition des donations.

- Les donations imposables.

• Les donations des notaires belges sont obligatoirement enregistrables.

• Les donations volontairement présentées à l’enregistrement sont

également imposables en droit d’enregistrement.

- Les autres donations ?

• Les donations informelles (don manuel : titres, œuvres-d’art, clef de voiture ….. donation indirecte : renonciation à usufruit sur PT, donation par virement de titres dématérialisés ou donation déguisée non enregistrée) : ne sont pas obligatoirement enregistrables.

• Les donations reçues par un notaire étranger (suisse ou 32 hollandais par ex) : ne sont pas obligatoirement enregistrables.

Pas critiquable : choix de la voie la moins imposée. Rem :

- Pas de convention sur l’échange d’informations en succession et donation avec la Suisse;

- L’acte notarié étranger permettra un démembrement UF-NP (incontestable) d’un PT sans droits d’enregistrement.

* Quid d’un décès dans les trois ans : art 7 CS

Donation assimilée à un legs et imposable aux droits de succession sur base des critères de valorisation du CS.

Comment éviter cette conséquence en cas de décès imminent ?

Enregistrement des donations aux taux réduits de 3% (ligne directe, époux et CL) 5% (Frères et sœurs, oncles ou tantes, neveux et nièces) et 7% (les autres).

Points d’attention :

- certaines restrictions :donation ss CS du décès donateur; en RW : actions de sociétés patrimoniales,

- importance du support : pacte adjoint, acte notarié étranger.

Pression politique (et fiscale) belge mais surtout internationale très forte sur les comptes, avoirs étrangers et les structures étrangères.

Pression qui pose questions :

- Éthique et juridique pour certains états européens ?

- la situation de certains demandeurs (US et GB) abritent des

paradis fiscaux colossaux: Delawar, iles britanniques….

L’enjeu aujourd’hui du « treaty shopping » et la concurrence fiscale s’est reporté sur le contenu des conventions en matière d’échange de renseignements et d’assistance judiciaire.

La procédure et le droit de la preuve constituent souvent le talon d’Achille des rectifications et du recouvrement : importance d’avoir accès à « son » dossier fiscal.

La régularisation: une réelle opportunité pour les distraits et leurs héritiers :

Risques = pénalités en IPP jusqu’à 200% (dans des cas extrêmes), en DS amende égale 2x aux droits éludés, outre les intérêts de retard.

La DR permet une utilisation des fonds et des investissements. La DR permet une planification des fonds rapatriés ou laissés à l’étranger.

Point d’attention: la double imposition en matière successorale

Le choix de la voie la moins imposée (dont l’utilisation de

structures étrangères) = pas synonyme de fraude fiscale.

Aujourd’hui plus que jamais une application judicieuse du droit et du respect des conséquences juridiques des actes posés est le garant du droit fondamental des contribuables de choisir la voie la moins imposée.