Van Elder & Associates
Avocats, Attorneys at law, Advocaten

Orateur au séminaire TREVI du 29 mars 2011: « Les droits réels immobiliers, des outils efficaces de planification et d’optimisation fiscale ».

-Très grand nombre d’opérations par multinationales, PME, professions libérales, particuliers… dans le passé et à l’heure actuelle (dans un cadre opérationnel, en tant que structure d’acquisition, véhicule de planification patrimoniale).

Arrivée à terme.

-Structures spécifiquement visées par le Collège de lutte contre la fraude fiscale en 2008: banque de données en cours de finalisation.

- Droits réels à la croisée des chemins du droit commun et du droit fiscal: droit civil, des sociétés, comptable, IPP, ISOC, TVA, ENR, Successions….

- Vues divergentes de l’Administration fiscale et de la Jurisprudence illustrant les tensions entre l’application du principe du choix de la voie la moins imposée d’une part et le non respect du droit fiscal d’autre part.

- Il y eu des abus:

*le conseil doit porter sur l’opération à l’entrée, sur les effets pendant la durée du droit mais aussi à terme (extinction et possibilités de sortie).

*chaque cas est individuel: les formules toutes faites, les

« produits » « les structures clefs sur porte » sont inadaptés.

1. La valorisation du droit d’usufruit acquis par une entreprise ;

2. Risque de requalification;

3. La déductibilité des charges ;

4. Les constructions érigées par l’usufruitier ;

5. A l’expiration du droit d’emphytéose, de superficie, d’usufruit : les conséquences du transfert du droit de propriété sur les constructions au tréfoncier ;

6. L’acquisition démembrée emphytéose tréfonds.

La valorisation du droit d’usufruit acquis par une entreprise

1. Décisions

Trib Namur 28 juin 2006/Trib Mons 23 juin 2004 et 28 février 2005.

Une société acquiert un usufruit pour une durée de 8 ans, il est valorisé à 80% de la PP, le dirigeant acquiert la NP pour le solde.

Une société apporte l’usufruit de terrains, la société utilise les critères de valorisation du CDE, l’Administration préconise ceux du CS.

2. Principes de valorisation (AR du Code des sociétés)

Le prix d’acquisition : résulte de la valeur d’acquisition = prix d’achat et les frais accessoires.

L’évaluation du prix d’achat: à l’aune des critères de prudence, sincérité et bonne foi;

• les comptes sont le reflet de l’image fidèle de la société;

• évaluation en « going concern » et non dynamique de liquidation.

Avis 126/17 CNC précise que l’équivalence des prestations est relative car liée à l’appréciation subjective des parties contractantes laquelle est tributaire de la situation particulière dans elles se trouvent ou de leur appréciation des circonstances de fait.

La question du recours aux méthodes d’évaluation forfaitaire du code des droits d’enregistrement ou des droits de succession ?

Le Trib de Namur renvoie au droit comptable. Idem pour le Tribunal de Mons:

Les méthodes forfaitaires sont inadaptées, il faut privilégier la

valeur économique.

Min Fin (654 Dirk Van der Maelen 23/2/2005): valeur de l’usufruit à déterminer sur base de données factuelles et juridiques propres à chaque cas.

Que conclure ?

C’est le droit des sociétés qui prime.

Les méthodes forfaitaires du CDE et CSUC sont incompatibles sauf si elle permettent dit le Trib de Namur d’arriver à une valeur objective correspondant à la valeur du marché immobilier.

Min Fin (QP n°738 18 avril 2005) a précisé que le produit actualisé de loyers net peut constituer un élément pouvant permettre d’évaluer les loyers.

La valeur d’acquisition est en partie subjective (représentant la valeur de convenance, le mobile, les clauses subjectives…) se distingue de la valeur vénale.

Solution ?

Formule proposée par le Tr de Mons qui résume l’usufruit à une actualisation des loyers nets. A corriger en fonction des paramètres relatifs.

Attention aux sanctions: sous-évaluation d’une NP peut constituer

une rémunération (ATN à déclarer à défaut 309%) voire un AAB.

C’est au gérant ou CA qu’il incombe de valoriser !

L’usufruit est-il requalifiable ?

Position du problème.

Les redevances provenant de la constitution ou de la cession d’un usufruit ne constituent pas de revenus immobiliers imposables au sens des articles 7 et 10 du CIR.

Voy. Com IR 10/6. QP du 27 juillet 1987.

Cependant, le Min Fin a évoqué à plusieurs reprises une possible requalification de l’usufruit sur base de 344 CIR

Position de l’administration illustrée par décision du 6 janvier 2003 Les faits: une société acquière l’UF d’une maison pour 27 ans, les enfants et les parents acquièrent la NP dans la proportion 40%-

60%. La société donne ensuite en location le bien aux parents pour partie.

Le Tribunal requalifie l’opération en un bail par les personnes physiques à la société (prix d’achat d’usufruit requalifié en loyer payé anticipativement ).

Qu’en penser ?

Le principe est que l’acte dont la qualification est inopposable doit être requalifié conformément à la loi.

1ère implication: la qualification fiscale que l’administration entend substituer ne permet pas à l’administration de procéder à une requalification qui serait fondée sur les conséquences économiques des actes querellés.

2ème implication: l’administration lorsqu’elle substitue à une qualification adoptée par les parties une nouvelle qualification, elle doit respecter les effets juridiques des actes incriminés.

Ce n’est donc que lorsque plusieurs qualifications, toutes correctes en droit et conformes aux faits sont possibles, c’est-à-dire sont applicables aux faits et aux actes accomplis par les parties que 344 CIR entre en jeu.

En l’espèce le jugement requalifiant l’opération en un bail fait table rase de la réalité juridique des actes entrepris, nie les relations juridiques entre parties et fait prévaloir une réalité fiscale purement fictive.

La question de la qualification.

Le Tribunal nie les caractéristiques propres à chacun des droits en jeu: Droit réel - droit personnel / Contenu fondamentalement différent.....

Décisions récentes: Gand 29 mai 2007, Cassation 22 novembre 2007, Anvers 18 mars 2008, Anvers 18 mars 2008 vont dans ce sens.

Pas de requalification possible !

Que conclure ?

La position de l’Administration semble ne pas avoir évolué cfr avis SDA imposant 5 conditions :

- obtenu d’un tiers (pas de transfert en faveur de sa société);

- au moins 20 ans;

La question de la qualification.

- au moins 50% doit être affecté au professionnel;

- loyer payé par locataire conforme aux marchés;

- importance de la répartition des frais conforme au droit civil.

Si le risque de requalification semble atténué: il ne faut pas négliger l’approche par la simulation.

Importance du respect des conséquences et des effets juridiques des actes posés: respect des procédures de conflits d’intérêts, de la

« titularité » des droits, des flux financiers, …. = prudence élémentaire.

La déductibilité des charges chez le superficiaire, l’emphytéose, l’usufruitier?

Enjeu: un des attraits du « démembrement » (usufruit, emphytéose, superficie): la localisation des charges dans l’entreprise (en ce compris la quote-part terrain).

Les amortissements par les sociétés titulaires sont-ils déductibles ?

Principe général: article 49 CIR … charges faites en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables.

Décisions: Liège 10 mars 1999; civ.Bruges 12 novembre 2007

Une société de médecin emphytéote construit une maison d’habitation et amortit les constructions. Idem achat d’un appartement à la mer: rejet.

Problématique récurrente.

Position de la Cour de Cassation: pas de lien avec l’objet social de la société pas plus qu’avec l’activité sociale de la société !

Le fait d’élargir son objet social est indifférent dès que la charge est sans rapport avec l’activité réelle. Tel est le cas de la piscine, du jacuzzi, de la maison de villégiature….

Position contestée par certains auteurs.

1er argument: le rattachement à l’activité sociale n’est pas prévu par la loi cfr art 49 CIR;

2ème argument: dès lors qu’il y a un avantage de toute nature déclaré: il s’agit d’une rémunération. Il n’est pas étranger à l’activité d’une société de rémunérer son mandataire social.

Dernier argument suivi par civ. Namur 14 juin 2006 à propos d’une maison d’habitation érigée par une société de médecin.

Le sort des constructions érigées par les titulaires de droit réel sur le terrain du tréfoncier

- Aspects juridiques lors des constructions: quand s’opère le transfert de propriété des constructions ?

Droit de construire découlant de 578 du CC: l’usufruitier a le droit de jouir comme le propriétaire lui-même

Droit d’accession différée (cfr. Cass. française du 7 mars 1955)= un mode volontaire d’acquisition (par le NP en l’espèce:) attention aux résiliations anticipées moyennant payement (c’est un argument sous-estimé)!!

Pendant la durée du droit d’usufruit: la société UF est proprio des constructions. Une renonciation à accession n’est pas nécessaire Selon J. Hansenne, l’usufruitier est titulaire d’un droit de superficie- conséquence: loi de 1824 inapplicable, opposable aux tiers sans transcription.

- Aspects comptables et fiscaux.

La société usufruitière activera les constructions en classe 2.

La CNC (avis 150/3) préconise d’amortir les constructions sur la durée de la convention.

Position défendue par la Doctrine et par une certaine jurisprudence (civ. Namur 26 juin 2002 qui se fonde sur Com IR 61/265)

L’administration impose une durée minimale de 20 ans.

A l’expiration du droit d’emphytéose, de superficie, d’usufruit : les conséquences du

transfert du droit de propriété sur les

constructions au tréfoncier

Conséquences du transfert du droit de propriété sur les constructions au tréfoncier.

Dans le chef du tréfoncier.

1. Le tréfoncier est un dirigeant d’entreprise.

Risque d’assimilation à une rémunération octroyée par l’entreprise à son DE.

L’article 32 cir vise les avantages de toute nature obtenu en raison ou à l’occasion de l’exercice d’une activité professionnelle.

QP 97/71 précise qu’il existe présomption que tout avantage consenti par l’entreprise est une rémunération.

Points d’attention :

1. Les avantages de toute nature obtenu autrement qu’en espèces → valeur réelle

Conséquences du transfert du droit de propriété sur les constructions au tréfoncier.

2. Sur le plan social : ces avantages → soumis à cotisations

3. Ces rémunérations sont sujettes à fiche → sanction 309%

2. Le tréfoncier est une entreprise

*Première approche Anvers 5/10/99, confirmé par cass. 18/05/2001.

Une société X superficiaire érige des constructions.

Le superficiaire renonce à son droit, le tréfoncier devient plein propriétaire.

Décision de l’administration : construction = bénéf d’exploitation (art. 24 cir) : les constructions reçues gratuitement impliquent une sous- estimation d’actifs.

Réclamation.

Conséquences du transfert du droit de propriété sur les constructions au tréfoncier.

Appel : confirmation de la position de l’administration Cassation : confirmation

* Autre approche: Avis 126/17cnc (pendant de la doctrine artwork 

systems : valorisation des actions à leur valeur réelle).

Idem, résultat à acter : les constructions constituent un actif acquis à

titre gratuit à valoriser à sa juste valeur : // à la valeur de marché.

Contra Bruxelles 29/10/2008, critique l’avis 126/17 : valeur à considérer = valeur d’acquisition et non valeur de marché.

Affaire à suivre …

2.Dans le chef du superficiaire, de l’usufruitier, de l’emphythéote.

* Avantage anormal ou bénévole consenti par une entreprise : article 26 cir, principe : lorsqu’une entreprise en Belgique accorde des avantages anormaux ou bénévoles, ceux-ci sont ajoutés à ses bénéf propres sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.

Qu’est ce qu’un AAB ? Com/ir 26/16 précise :

Avantage : enrichissement du bénéficiaire sans contrepartie équivalente.

Anormal : qui est en opposition avec le cours normal des choses avec ce qui est d’usage.

Ou bénévole : accordé sans qu’il constitue l’exécution d’une obligation ou sans contrepartie.

L’article 26 vise au titre de bénéficiaire tant les pp, résidentes ou non résidentes, les sociétés, associations, établissements ou organismes dotés ou non de la personnalité juridique assujettis à l’ISOC à l’IPM, à l’INRSOC et à l’INRPM.

QP 302, 9/03/1993 pas d’application aux sociétés assujetties à l’ISOC, à priori, art.26 pas applicable si l’APP est imposé sur cet avantage.

*Amortissement exceptionnel acté sur les constructions par le sup. usu. emph. au moment du transfert : pas déductible, ne rencontre pas les conditions de l’art 49.

Conclusion :

A défaut de constituer la contrepartie du droit réel, ou à défaut d’indemnité à la valeur normale du marché, il existe un risque important d’imposition dans le chef des parties.

Rappel :

Il importe de noter que le droit fiscal est totalement autonome du droit civil et des règlements d’indemnités qu’il prévoit :

Les critères de valorisation de l’avantage acquis sont les critères du droit fiscal.

Ces principes sont d’application pour les grosses réparations (en l’espèces pour les travaux d’aménagement) faites par l’usufruitier;

A défaut de remboursement par le nu-propriétaire de ces travaux à leur valeur comptable, il y aura taxation : SDA 7/07/2005.

Dernier point d’attention :

Article 207 et 79 cir. Pas d’utilisation des pertes fiscales pour compenser un AAB reçu.

L’acquisition démembrée emphytéose-tréfonds 

Principe :

A est propriétaire d’un immeuble qui vaut 100 que B veut acquérir en vue d’optimiser le coût des DE (entre autres).

B acquiert un droit d’emphytéose moyennant le paiement d’un canon principalement unique de 90.

Une société C (apparentée à B) acquiert le tréfonds (PP de l’immeuble grevé de l’emphytéose) pour 10.

Perception des DE :

0,2% sur 90 = 0,18 (cfr art 83 cde)

10 ou 12,5% sur 10 = 1 ou 0,8 (cfr art 44 cde),

Soit un total = 1,18 de DE

L’appréciation du risque de requalification à la lumière de l’ art 18 CDE :

1.Position de l’administration centrale

A partir de 1999, l’administration centrale a avalisé ces structures et à confirmer à de nombreuses reprises la perception des droits décrite ci-dessus et ce pour des droits d’emph variant entre 27 et 99 ans.

Conditions imposées par l’AC:

1. La chronologie de opération à respecter : Emphytéose puis vente

2. Absence de consolidation des droits

3 . …

Le respect de ces conditions garantissait la non application des mesures anti-abus

2. La commission de ruling :

*Conditions contenues dans le premier avis :

- Pas de reconstitution des droits pendant la durée de l’emphytéose

: engagement à mentionner dans l’acte ;

- Pas de changement de contrôle dans la société emphytéote art 5 et 9 du CS;

- Les administrateurs des 2 sociétés ne peuvent avoir la majorité au sein du conseil d’administration;

- La valeur vénale doit être déterminée par un expert indépendant et le canon unique ne peut dépasser 95% de la valeur PP.

Nouvel avis du 6 mars 2007 : deux hypothèses : 1ère hypothèse : pas de lien entre les acquéreurs

2ème hypothèse : il y a un lien entre les acquéreurs

-1ère condition : engagement de ne pas reconstituer les deux droits sauf si c’est à l’avantage d’un tiers qui paye les droits de 10/12,5%;

-2ème condition : pas de changement de contrôle à intervenir dans les deux sociétés pendant 5 ans, à compter de l’enregistrement du dernier des deux actes (sauf si le changement résulte de l’exécution d’une sûreté);

- 3ème condition : les administrateurs présents dans les 2 sociétés ne peuvent disposer ensemble ou séparément de la majorité au conseil d’administration;

-4ème condition : le(s) canon(s) maximum 95%PP, valorisation par un expert indépendant ;

-5ème condition : certains documents à produire;

Autre point d’attention : simulation : importance du respect des conséquences juridiques des actes que l’on pose (Anvers

27 février 2007).

Les faits :

Un notaire consent sur son terrain un emphytéose à une banque qui construit, la banque donne ensuite en location la construction au notaire;

A l’expiration du droit d’emph, aucune indemnité n’est prévue, l’administration et la cours d’appel consacrent la simulation de l’opération. Toutes les obligations reposaient sur les épaules du notaire, travaux à sa charge, les assurances propriétaires, les impôts, loyer disproportionné….

Les opérations déguisent une vente des constructions par la

banque au notaire.

En cas de simulation: 204 CDE prévoit une amende aux droits proportionnels éludés à charge de chacune des parties.

P.S. Respect des conditions en amont = absence de requalification ;

Respect des conséquences juridiques des actes posés en aval = absence de simulation.

Conclusion

- Ces droits réels restent intéressants fiscalement;

- Le choix de la voie la moins imposée ne signifie pas fraude fiscale;

- Importance d’appréhender l’opération (et ses implications) dans son ensemble : lors de sa constitution, pendant et à son terme (extinction, cession); en droit civil mais aussi en droit comptable, l’IPP, l’ISOC lesquels ont un impact déterminant.

- Approche au cas par cas: évitez l’application des formules toutes faites.

-Par ailleurs un avis de rectification n’est pas systématiquement fondé.

Certaines conditions imposées par l’administration sont contra legem (par exemple : durée d’amortissement de 20 ans, usufruit devant être obtenu d’un tiers, et certaines autres conditions prévues par exemple dans l’avis CDA du 8 février 2007)

-Il existe de nombreuses possibilités de sécuriser ces opérations: la commission de ruling, l’administration centrale…

- En cas d’excès de l’administration, il importe de lui opposer des arguments solides et étayés, le débat en sera facilité…